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lecture d'été : les Colères du temps

 

Voici un très bel ouvrage, richement illustré et agrémenté d’une iconographie exceptionnelle qui nous entraîne dans une épopée sur les désordres du temps et du climat. Au cœur de ce récit, entre fiction et réalité, on retrouve l’homme, cet apprenti sorcier qui tente de dompter les éléments… Bienvenue dans l’anthropocène, cette nouvelle ère où l’homme règne sur l’environnement. Face à la réalité du réchauffement climatique et à notre responsabilité avérée par les scientifiques du GIEC (voir le rapport du GIEC 2014 ici ), un autre regard, plus culturel, est il possible ?
Que peut nous apporter la compréhension des fantasmes et des mythes climatiques à une époque où les hommes tentent d’ensemencer les nuages pour faire tomber la pluie ?

Original sur le fond, le livre l’est aussi sur la forme, mêlant données scientifiques, historiques, extraits littéraires et affiches de films. Cette approche pluridisciplinaire s’explique par la complémentarité des deux auteurs, l’un, Farid Habdelouahab est historien d’art et commissaire d’exposition, l’autre Frédéric Denhez est journaliste spécialiste des questions environnementales, collaborateur régulier de CO2 mon amour.

coleres.JPGExplorant archives et littérature patrimoniale, les auteurs observent l’évolution de notre représentation du temps. Et ils s’interrogent : le climat fait il « histoire » ? Y a t il des constantes, des histoires récurrentes ?
L’histoire du climat est marquée par des cycles longs à l’intérieur desquels alternent des périodes tempérées plus ou moins chaudes ou froides. Actuellement nous sommes dans une phase interglaciaire. Il y a vingt mille ans, la glace couvrait le nord de l’Europe, la mer se trouvait 130 m en dessous du niveau actuel, la Manche n’était qu’un fleuve, alimenté par la fonte saisonnière des alpes et se déversait dans le golfe de Gascogne… Mais aujourd’hui, la hausse des températures n’a pas d’équivalent dans l’histoire et surtout elle est cent fois plus rapide que l’évolution de l’ère précédente.

Entre science et culture, la lecture s’enrichit de mille récits, éclairages littéraires ou historiques qui éveillent notre attention. Apocalypse, arche de Noé, déluges grecs, tempêtes et millénarisme médiéval, Robinson Crusoé relu à l’aune du mythe prométhéen… On y relit aussi l’utopie de Fourier qui rêve de reboiser le Sahara en 1820. Ce même Fourier qui constate dès 1822 les dégâts causés par l’individualisme dans sa « Détérioration matérielle de la planète ». On y apprend que l’interventionnisme humain sur le climat remonte à 1891, quand le scientifique L. Gatham introduit, via des obus, du dioxyde de carbone dans les nuages pour provoquer la condensation de la vapeur d’eau et la pluie. Des expériences amplifiées après WW2 et qui se poursuivent aujourd’hui dans le plus grand secret.

Depuis Aristote, l’homme sait que la déforestation et le déboisement modifient le climat, et l’homme est conscient de son pouvoir : en 1778, Buffon écrit déjà que s’il le désirait, l’homme pourrait « fixer » la température au point qui lui convient…
En refermant cet ouvrage venu de la nuit des temps, je me dis que l’esprit millénariste qui revient planer régulièrement sur nos têtes, invoquant la catastrophe finale, ne fait plus assez peur à l’apprenti sorcier contemporain. Mais je sais aussi qu’une poignée d’intelligences lucides peut empêcher les dérives ; l’espoir n’est jamais vain.

Les Colères du temps, de Farid Habdelouahab et Frédéric Denhez, Libella 2014, 29 euros. Préface d’Emmanuel Leroy Ladurie.

 

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